Si tu m’oublies – Tonie Behar

C’est compliqué. La vie. L’amour. C’est compliqué. Alors on a inventé un truc très simple pour rendre tout ça moins compliqué. Ca s’appelle le choix. Bien sûr, choisir c’est décider ce qu’on va perdre. On renonce à des tas de choses, de lieux, de gens, de projets, d’envies. On renonce à une vie pour une autre. On fait ce qui reste, ou on fait avec… Ensuite le temps efface les traces ou les recouvre. Simple. Efficace. Hautement pratiqué et conseillé. Le problème, c’est quand ça résiste. Quand le temps n’arrange rien, au contraire. Et s’il y a une chose pour venir perturber ce vertueux mode d’emploi c’est bien le hasard. Bien sur le hasard peut aussi être une suite de conséquences, car les choix entraînent les choix comme une arborescence ou un algorithme de la Silicon Valley. Est-ce que le hasard arrive bien par hasard ? Voilà ce qui va donner la trame de ce thriller amoureux habilement construit. En jouant du va et vient entre le passé et le présent, Tonie Behar raconte en parallèle deux époques de la même histoire, ou plutôt comment les choix peuvent vous revenir à la figure des années plus tard, comme un boomerang qu’il faut, à la volée, reprendre en main. Cette trajectoire est ici racontée à la première personne, ce qui est choisi, et ce qui ne l’est pas, et les conséquences pour chacun des protagonistes. On pense (la noirceur en moins) à la remarquable série « The affair », tant à chaque étape, chaque pas conduit inéluctablement à une nouvelle révélation, une nouvelle bifurcation, un nouveau choix. Reviennent les moments heureux, lumineux, de la jeunesse (un voyage dans une Californie mythique : Big Sur, Half-moon bay, Santa Cruz, paradis de surfers) puis leurs conséquences. Il ne manque plus qu’un « où » et un « quand » ! C’est là que le roman commence. Des années plus tard, à la gare de Lyon à Paris. Ce jour-là Violette, brillante médecin ophtalmologue, prend le TGV avec ses deux jumeaux, un garçon et une fille, direction le sud, pour les accompagner, comme tous ans, en vacances chez leur père dont elle est séparée… Après quelques étranges complications, Violette se retrouve seule chez elle. Un coup de sonnette. Son amour de jeunesse, Joachim, réapparaît, sorti de nulle part, en lui demandant de cacher chez elle 5 millions d’euros en cash, et repart aussitôt. Pourquoi ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi elle ? Et qui est-il devenu ? En se lançant sur la piste de cet homme qui semble avoir disparu, Violette va aussi remonter le temps. Car c’est bien de cela qu’il s’agit au fond. Du temps. Du moment où se font (et se défont) les choix et les hasards qui construisent nos vies, nos trajectoires. Ce que devient ce qu’on a perdu. Et si tout n’était qu’une question de timing ? Et s’il n’était pas trop tard ? Réponse au bout de 347 pages de jeu de pistes entrecroisées, surprenantes et pourtant si logiques, au fur et à mesure que l’on sait. « Si tu m’oublies », pourrait aussi s’appeler « Ce qui nous attend ! » tant l’on récolte, au fond, ce que le vent éparpille de ce que l’on voudrait semer. Tonie Behar réussit un « page-turner » moderne où résonne le rap de Passi et le vent de Palo Alto. Cerise sur le gâteau, pour qui a lu « Grands boulevards », un précédent roman de la même auteure, on y croisera en « caméo » certains des personnages qu’on y aimait tant, comme le pittoresque Max Dahan. Subtil clin d’œil au lecteur et là encore au hasard. Roman hautement compatible avec l’été, et les couchers de soleil qu’on a envie de croire. Si tu m’oublies. Tonie Behar. Editions Charleston. 

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