
De San Perdido à Iberio. Il y a des constantes dans les deux romans de David Zukerman. Le temps se perd. Les vies se gagnent. L’autre est désir. Une humanité à profondeur d’âme. A fleur de peau. Les corps exultent. La beauté ne se fane jamais. Pas comme les fleurs. Ca tombe bien : les fleurs ne poussent pas dans les romans de David Zukerman. Ni dans les décharges à ciel ouvert de San Perdido où n’éclos que la misère et parfois l’espoir. Ni dans les immeubles feutrés de l’ouest parisien où seul leur parfum se respire- pardon celui du miel. Un miel toutes fleurs. Toute vie. Le parfum du miel va bien à la beauté. Par exemple celle de Mercedes arrivée de son espagne natale, avec son fils Iberio. Cette beauté plus que parfaite (magnifiques lignes de textes) Mercedes la retient comme on retient son souffle. Elle la garde à distance, comme elle-même se tient à distance de sa vie, trop occupée à faire pousser celle de son fils. Ce qu’on ne peut avoir, mieux vaut le peindre pourrait se dire Ezra Goldweiser, l’artiste du dernier étage. Un homme las de son art comme de lui-même. Alors quand la beauté au parfum de miel va faire irruption dans son champ de vision, il va, dans un magnifique chant du cygne, la dessiner, esquisse après esquisse, pour l’apprendre à défaut de la prendre. Afin dans un acte ultime de la peindre. La peindre comme Zukerman l’écrit. Consumé par le désir. Au fil des jours et des formats raisin, il l’aimera d’un amour intact. Au sens propre. Un amour propre, car jamais consommé. Sauf peut-être avec une autre, qui lui ressemble. David Zukerman est un grand écrivain de la chair. De ses troubles. Et de sa célébration. Certaines pages sont éclaboussées de beauté comme on le serait d’une vague brisée sur des rochers. La puissance et la force de cette vague irrigue un texte lent, sinueux, fait des courbes et d’ombres, de pleins et de déliés. Loin des moiteurs torrides des ruelles de San Perdido, nous sommes dans les rues d’un Paris de chaque jour. Où la beauté se sauve elle-même à défaut de sauver le monde. Un monde justement qu’apprend Iberio le fils de Mercedes. Bien sûr il en apprend aussi le désir et la chair. Ce monde dans le monde. Ce monde en soi. Alors d’une certaine façon, c‘est bien une éducation sentimentale que nous offre ici David Zukerman. La chair exulte. Les cœurs murmurent. Et si Iberio découvre l’amour, celui de la chair et du cœur, avec Louise, une prostituée. Ce n’est pas la moindre des ironies. Car de cet amour absolu, idéal, qui traverse les vies et transperce les âmes, elle est, mais il faudra lire le roman pour le savoir, une figure de vie, la seule à en réunir les brisures et les éclats. Il y a une grande poésie dans l’écriture toujours bienveillante de David Zukerman. Celle qui élève les femmes et les hommes à la beauté de leurs destins. Le fond et les formes, en somme, de l’amour. Avec une majuscule. Iberio de David Zukerman- Editions Calmann-Levy