Deacon King Kong – James McBride

Il y a cette expression américaine « Bigger than life ». Plus grand que la vie. On s’en sert en général pour désigner quelqu’un de pittoresque, extravagant, généreux, truculent, passionné, excessif. Quelqu’un qui est trop. Une majuscule. Une majesté. Bigger than life, plus grands que la vie, les personnages de James McBride le sont. Plus grands que la leur en tout cas. Prenez Sportcoat, par exemple, il fabrique cette gnôle improbable, le King Kong, qui lui ravage le foie et le cerveau, avec vue directe sur la statue de la liberté, au large. Il est aussi le diacre de cette petite église du quartier noir des Five ends. Personne ne sait exactement à quoi sert un diacre. Personne ne sait exactement à quoi sert la vie. Alors Sportcoat est plus grand qu’un diacre. Il est ivrogne. Et entraîneur de Base-ball. Il picole dans la chaufferie avec son ami Hot Sausage et regrette le bon vieux temps où son Hettie était encore vivante et lui pourrissait la vie. Encore la vie, tiens, qui revient de tous les côtés. Donc Sportcoat est diacre, même si on n’est pas sûr de savoir à quoi ça correspond. On n’est pas sûr non plus que les soeurs de cette église soient réellement des sœurs, plutôt d’accortes créatures qui débordent de leur chair, appétissantes et voluptueuses comme dans les dessins de Crumb. Des femmes de couleur qui font tourner les têtes et battre les cœurs. Comme celui de l’officier Potts, le flic Irlandais en fin de carrière. Il en pince pour Sister Gee. La scène de leur rencontre, dans l’église des Five ends, au coeur d’une enquête policière, est une des plus belles, troublantes, sensuelles, sexuelles, émouvantes, justes et totalement déjantées que vous ne lirez jamais. Deacon King Kong est une célébration de la grandeur des petits, des humbles, des hommes et des femmes qui, plus grands qu’eux-mêmes, le deviennent en débordant d’amour, de foi en la chair, de plans foireux, de rêves qui n’en sont même pas. De gens qui survivent pour ne pas sous-vivre, assignés à résidence dans la pauvreté et le déclassement. Il y a ceux qui font avec, se débrouillent, ceux qui tombent du mauvais côté, se relèvent comme Elefante, le mafieux italien du dock ou comme le jeune Deems, le dealer qui vient de prendre une balle dans l’oreille. Sportcoat était tellement saoul qu’il ne sait pas pourquoi il a fait ça. Il n’en n’a aucun souvenir. Et comme un aveugle qui marche sans la voir au milieu d’une émeute, il va traverser intact le chaos qu’il a déclenché, une théorie des dominos qui va entrechoquer les vies de chacun, jusqu’à un final bouleversant d’humanité, à pleurer de rire et rire sous les pleurs. Un roman magistral, jubilatoire, incisif. Plus grand que la vie ? Même pas besoin ! Elle est plus grande que tout. Deacon King King de James McBride aux éditions Gallmeister.

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