
Une décision n’est ni bonne ni mauvaise. Elle est conséquence. Et en amont jugement. En un mot : responsabilité. Juge, justement, Alma l’est. Dans un monde indécis, elle a fait de la décision son métier, son devoir. Son pouvoir aussi. Devoir et pouvoir ne sont jamais loin de l’autre. Il en va des décisions que l’on prend pour soi-même. Et de celle que l’on doit prendre pour les autres. C’est cette dualité que Karine Tuil nous donne à voir, ou plutôt à vivre avec son personnage. Pouvoir sur elle-même. Devoir envers les autres. Et vice versa. Cela nécessite force, courage, et toute la lucidité dont on est capable. Et compassion. Et amour. C’est là que le trouble, zone grise, devient le lieu de tous les questionnements. Du trouble des sens au sens que doivent garder les choses. Celles de la vie. De la mort. Face au chaos. Au commencement était le chaos. Au commencement était le verbe. Les mots viennent ordonner ce qui fait commun. Le construire. Alors il faut bien écouter, entendre, se parler. Alma, juge d’instruction antiterroriste croit à la justice. A sa façon, elle est une bâtisseuse. Elle tente de poser des ponts là où d’autres dressent des murs. Elle s‘efforce de construire droit. Avec le droit. Les droits. La justice est-elle justesse ? Science exacte ? C’est tout le questionnement de ce roman. L’amour n’est pas aveugle, disait Edouard Dujardin dans « Les lauriers sont coupés », il choisit juste de ne pas voir. Juste, au sens de simplement. Mais la justice n’est juste que complexe. La justice choisit les yeux ouverts, au milieu d’insondables zones d’ombres. La décision est conséquence. Et jugement. Elle est surtout humaine. Alma devra donc prendre deux décisions, une professionnelle et une personnelle. Les deux se tisseront, sous la violence des convulsions du monde, pour nous raconter une femme qui accouche enfin d’elle-même. Dans la douleur et dans l’amour. Va pour toi. La décision- Karine Tuil, aux éditions Gallimard.