
Sophie de Villenoisy soigne les titres de ses romans. Des titres qui claquent, happent, vous gagnent immédiatement d’un sourire au coin des lèvres et d’un clin d’œil complice. Ce « Troll me tender » ne fait pas exception. Surtout pour le hard-core fan d’Elvis Presley que je suis. La seconde bonne nouvelle est que Sophie de Villenoisy tient les promesses de ses titres. Et un bon titre qui tient ses promesses, dans le monde littéraire dans lequel on vit, ça mérite des lauriers, sur le front ou dans une tasse de Gumbo. Ca trolle donc sérieusement dans ce court roman, ou plutôt pas sérieusement du tout, et les faux Tweets qui rythment ces pages sont désopilants. D’abord parce qu’ils touchent là où il faut. Tout ici est juste car tombe « à propos », au sens propre comme au figuré. C’est là où Sophie de Villenoisy réussit brillamment là où d’autres romans sur le même sujet échouent à convaincre, elle ne dénonce pas à grand coup de morale, elle n‘imite pas, elle reste à hauteur de personnages jusque dans leurs bassesses, infiniment humains, vulnérables, et donc touchants. C’est la deuxième partie de la promesse tenue. La tendresse. Celle avec laquelle elle regarde ses personnages. Celle qui sauve de tout. « Vous n’avez pas de tendresse, vous n’avez que de la justice, par conséquent vous êtes injustes », criait Raskolnikov à ses juges dans crimes et châtiments. Il est bien ici question de châtiments et de crimes. Contre l’orthographe et la syntaxe bien sûr, mais surtout contre une jeunesse abandonnée, sevrée de médiocrité, nourrie à longueur de clips de modèles à l’ego boursoufflé et à l’insulte comme mode de communication. Alors Amandine, la jeune professeure, toute habitée de sa tâche exaltante et investie dans ces jeunes élèves de banlieue déclassée, va se dresser en justicière, derrière un pseudo, sur les réseaux sociaux. Docteur Amandine et Miss Troll. Elle va sauver Fouad, Kevin, Aissatou… Le jour à l’école : construction. La nuit sur Twitter : destruction. Sa cible : son opposé grotesque, une influenceuse issue de la téléréalité, vulgaire, cupide, narcissique et sans filtre. Seulement voilà tout va dérailler. Il y a une expression americaine « Poetic Justice » qui n’a pas de traduction française, disons : le retour de bâton. Elle n’a donc rien de poétique. Contrairement au roman de Sophie de Villenoisy qui nous ramène avec humour et tendresse à ce que nous sommes : des êtres humains « comme vous et moi ». C’est donc avec cette tendresse qui sauve et apaise, que Sophie de Villenoisy rend justice a chacun des personnages de cette comédie grinçante et pourtant bien huilée. Ce faisant, elle nous rappelle que nous sommes des êtres d’émotion. Elvis n’aurait pas dit mieux. Troll me tender – Sophie de Villenoisy. Editions Eyrolles romans