
« J’y ai amené ma destinée – ce n’est pas ma destinée qui m’a amené ». Dans les premières pages de ce livre, Andrea Marcolongo cite Nikos Kazantzakis. Histoire de nous rappeler que la Grèce a continué à nous donner des chefs d’œuvres bien après l’époque des anciens. Histoire aussi de nous prévenir qu’elle va habiter ce soir le musée de l’Acropole autant que cette Grèce l’habite, elle. Qu’elle nous habite, nous. Nous les voleurs, les emprunteurs, les philosophes, au mieux les amoureux. Elle va passer la nuit seule au musée (thème de cette singulière collection), mais elle n’y vient pas seule. Elle a convoqué, dans ses lectures, l’anglais Thomas Elgin, le pilleur du Parthénon, mais aussi son rival, l’homme de Napoléon Choiseul-Gouffier, et en face d’eux Lord Byron, le poète, le révolté, l’imprécateur, notre conscience, notre honneur. A l’image de ces voyageurs qui ont arraché les stèles de marbre du Parthénon pour les emmener dans les grands musées européens, nous avons tous pris en Grèce des richesses, des trésors inestimables de pensée arrachés à son sol, à son âme. Si les édifices d’idées s’emportent sans rien enlever à l’autre. Il n’en n’est pas de même des édifices de pierres. Un écho à nos propres pertes, nos propres cicatrices. Andréa livre à la nuit les siennes. Sa mère tôt disparue. Son amour immense pour ce père illettré. Magnifiques pages. Comme l’apparition de son compagnon -sans qui toute histoire d’amour ne serait pas complète – venu se tenir comme promis à minuit pile de l’autre côté de la rue, en regard. J’ai découvert Andréa Marcolongo avec « La langue géniale » et j’ai suivi tous ses ouvrages depuis. Je les ai offerts et les offrirai à tous mes enfants. Une transmission. J’ai donc passé cette nuit au musée à l’écouter, et j’espère à l’entendre, nous parler de nous. Car si un jour, en regardant le Parthénon et l’Acropole, vous vous demandez où sont passées les âmes de ceux qui ont construit ces monuments ; elle nous confie, dans cet ouvrage passionnant, la réponse : leurs âmes sont devenues les nôtres. Déplacer la lune de son orbite d’Andrea Marcolongo – Collection: Ma nuit au musée – éditions Stock