
On peut voir beaucoup de choses de la fenêtre d’un bus parisien. Paris d’abord. Et les gens qu’on y trouve. Sans les chercher, presque toujours. Il y a les gens, donc. Et il y a Pierre, le personnage du roman de Florent Oiseau. Un personnage qui va se mettre en tête de résoudre le mystère de la mort d’un homme à la station de bus Popincourt. Pas n’importe quel homme. Un voisin. Même si c’est n’importe qui. Bien sûr c’est surtout dans sa tête que cette enquête va se dérouler. Ce pourrait être un grand n’importe quoi. C’est tout le contraire. Un roman ou rien n’est important mais tout importe. Florent Oiseau écrit (magnifiquement bien) avec une loupe précise. Il force le trait pour montrer sans déformer, il dit juste, avec la justesse et la justice que mérite chaque être humain. Chaque rencontre, chaque collision est ainsi une sorte de célébration. Pierre a rétréci sa vie à la taille de l’ordinaire pour que chaque petite chose puisse y être un grand bonheur. Prendre le bus, courir à vélo avec un quinqua aux jambes rasées, monter une mayonnaise pour une inconnue, boire un demi dans un bar Kabyle, ne pas coucher avec une femme alors qu’on aurait pu, qu’on aurait dû peut-être, entendre la télé du voisin à travers le mur. Une sorte de traité de savoir vivre, au sens propre du terme. Même si on ne sait jamais. Alors on suit ses non-aventures avec un plaisir coupable, jusqu’à l’improbable révélation du secret que cache la mort du voisin. Humain très humain, poète post-beat et écrivain surdoué, Florent Oiseau délivre un blues teinté musette. On lui pardonnera quelques coquetteries de style, quelques provocs inutiles. Un roman qui aime les gens, même quand ils ne s’aiment pas eux-mêmes, est oeuvre de littérature. Et de salut public. Amen. Florent Oiseau. Les fruits tombent des arbres. Allary éditions.