La grande Vallée – Edouard Bureau

Gustave Flaubert disait que pour qu’une chose soit intéressante, il faut la regarder longtemps. Voilà bien ce que fait Edouard Bureau dans ce roman, regarder longtemps. Prendre le temps pour ce qu’il est. C’est à dire de la vie. Cette pastorale est une longue fable à contre-courant, à rebrousse-poil. On y avance au pas lent d’un troupeau guidé par deux jeunes chevriers. Il faut accepter de ralentir, de lever les yeux vers le ciel ou de les baisser vers la terre, de fleurs en brins d’herbe, pour en mériter les beautés. Ici les animaux parlent, et le jeune Arno, dit Le Merle, peut cheminer de nuit en discutant avec la haute silhouette qui surgit à ses côtés, celle de l’Immense peine. Edouard Bureau livre ce faisant des pages magnifiques et inspirées, entre nature et merveilleux. Il prend un plaisir évident à rester avec ses personnages, qu’il regarde avec tendresse, avec fraternité. Quand dans la grande vallée arrive le progrès. L’industrieux. Le profit pour le profit. La terre forcée. L’harmonie des jours heureux se recouvre de fer et de grisaille. Le vent de la colère va se lever, avec des scènes épiques où l’on retrouvera les plus belles fulgurances du « Lion sans crinière », premier roman de l’auteur. Bien sûr, la nature (ou la prose d’Edouard Bureau) est prolixe et abondante. Il faut parfois sauter quelques pages trop denses ou y prendre appui sur deux phrases solides et minérales pour avancer, mais l‘épure viendra. Mon ami Stéphane Rozès, politologue et homme de culture, fait souvent référence au génie français. Edouard Bureau, dans ses poses dandy et sa façon de choisir les mots rares et les idées singulières, y fait honneur. Il y a en lui du Fournier, du Rostand, du Giono, du Bernanos. Il porte sur ses jeunes épaules cet héritage avec la foi et le panache qui font de lui un écrivain et de la littérature un étendard. Nul doute qu’il construit ainsi une œuvre là où tant d’autres n’écrivent que des livres. A suivre donc. La grande Vallée – Edouard Bureau – Editions du cherche midi – Cobra