
Le meilleur serait-il arrivé sans le pire ? Voilà, la question est posée. Elle est posée à Madeline. Mad. La dingue. Sauf que Mad n’est pas dingue. C’est ce qui lui arrive qui l’est. Ce qu’elle a fait. Non, Mad n’est pas dingue, ça serait si facile. Et la facilité, ce n’est pas son choix. Le meilleur serait-il arrivé sans le pire ? La réponse à cette question, chacun des personnages croisés aura la sienne. S’il en veut une. S’il s’en doit une. Reste à trouver le plus important après ça : qu’est-ce qu’on fait de la réponse à une question ? C’est une traversée âpre et lumineuse vers cette possibilité que Madeline, dix-sept ans et une étoile fraîchement tatouée sous le sein gauche, va effectuer dans ce roman. Hell’s Kitchen. New York. Nouvel an. Une toute petite minute. Vous passez par la case prison. Vingt ans. Pourquoi a-t-elle fait ça ? Il vous faudra attendre la dernière page pour le savoir. Comprendre ce qu’il s’est passé ce soir-là. Ce qu’elle ne dira jamais à personne. A quoi bon ? Qu’est-ce qu’on s’est acheté quand on a payé sa dette, qu’on sort de prison avec des vêtements donnés, et que le monde a changé sans vous ? Bref y a-t-il une vie après la mort, la mort dans la vie comme disait Bukowski ? Il y a une magnifique réponse dans ce roman, une réponse où les enfants perdus se trouvent en dominant le mal. Sans le laisser les vaincre. Très habilement construit entre deux temporalités, la prison et le monde d’après, le roman de Laurence Peyrin colle à la peau du personnage de Madeline, comme une vie qu’elle va apprendre à habiter. La sienne. Celle qui est née de cette toute petite minute. Comme une goutte d’eau salée contient déjà toute la mer. Alors il y aura des tempêtes, des vagues terribles et déferlantes, des océans de chagrin et de vents rugissants jusqu’aux plages apaisées de Montauk, où l’horizon bleuté s’offre comme un avenir. Plus qu’une simple histoire de rédemption (et il y en a de très belles dans ce roman), c’est une leçon de résilience qui nous renvoie à nos propres failles, nos propres séismes. Quand tant d’autres s’arrangent avec la culpabilité ou s’en défaussent, le personnage de Madeline l’embrasse comme une part d’elle-même. Pour faire d’une vie brisée en morceaux, un tout. Le meilleur et le pire. Madeline a pris une vie. Il lui reste maintenant à sauver la sienne. Trouver la force et le courage d’en vivre en grand chaque petite minute. A la question de vaincre le mal, John Steinbeck répondait à la fin d’East of Eden : Timshell (tu peux). Ce roman lumineux et sans concession ne dit pas autre chose. Et nous emporte comme une vague furieuse qui vient s’apaiser en écume sous un soleil d’automne. Timshell. Une toute petite minute de Laurence Peyrin – Editions Calmann-Levy.