Le livre de Petru – Marie Ferranti

« Quand j’entends un accent, je vois un paysage ». Ce livre pourrait tout aussi bien s’intituler « Le dernier des nôtres », (comme le beau roman d’Adelaïde de Clermont-Tonnerre), tant Petru Guelfucci, que Marie Ferranti nous invite à rencontrer, incarne un monde où il y avait un Nous. Celui des villages, dans les montagnes arides, où l’on se rassemble pour chanter, la main à l’oreille, la paghjella, ce chant immémorial qui n’est pourtant que mémoire. « Nous avons toujours cru à la transmission de ce chant, qui raconte une histoire au-delà de la nôtre». Il faut la beauté des montagnes corses, le vent qui souffle (tout est dans le souffle) et l’écriture poétique et puissante de Marie Ferranti : « Ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts paraît-il. Je ne sais pas si nous sommes plus forts. La force nous a toujours parue suspecte. Une certaine vulnérabilité, le doute, l’inquiétude, l’impatience et même la discrétion nous semblent préférables. Mais, sans conteste, nous sommes vivants.»  Voilà sans doute les lignes qui introduisent le mieux à cette lecture, cette rencontre. Petru a choisi de rester dans ses montagnes, d’élever des abeilles, de cultiver les oliviers, la mémoire et le chant. Des choses qui se partagent. Pour mieux accueillir. Du dialogue amical entre Marie, face à la mer, et Petru, l’homme de la terre, de la pierre, et du vent, naît peu à peu le portrait d’une culture où « toute chose était nommée par son nom » dans cette langue, teintée de souffrance, que l’on a tenté d’effacer. Une forme de résistance par le chant qui m’a rappelée en bien des points celle des cajuns, en Louisiane. De longs passages (traduits) de ce vibrant hommage sont écrits en langue corse. Passage comme on dit chemin. « Il y a eu un peuple corse » me disait il y a quelque temps un musicien de l’île avec qui je conversais. Un passé qui s’entend comme un présent juste teinté de nostalgie. Tant qu’il restera des Petru pour le chanter. Et des Marie pour les raconter. Chanter c’est prier deux fois disait Saint-Augustin.  Le livre de Petru de Marie Ferranti (avec Petru Guelfucci) aux éditions Gallimard.

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