
Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon. On pourrait tout aussi bien retourner la proposition : le monde n’habite pas tous les hommes de la même façon. Car c’est finalement ce qui se passe ici. La vie de Paul Hansen, c’est plutôt le monde qui l’habite. Elle se remplit de celle des autres sans jamais réellement s’y mélanger. Comme l’huile et l’eau. Comme le vide avec le plein. Le ciel qui se pose sous les ailes d’un avion. Comme son père et sa mère. Le blond rigoriste et la brune libertaire qui se sont assemblés sans se mélanger, glissant l’un sur l’autre jusqu’à se séparer. Sans drame. Le monde habite Paul comme ça et Paul, lui, habite le monde du mieux qu’il peut. En bon voisinage. Pour l’instant, Paul habite pour deux ans dans la cellule « condo » d’un pénitencier de Montréal Canada. Il partage cet espace avec son codétenu, Patrick, un Hell’s Angel réduit pour l’occasion à sa carrure imposante, son goût pour les Harley Davidson et une peur maladive de se couper les cheveux qu’il considère comme une partie de son corps. Tu te couperais la langue toi-même ? Paul est dans ce « condo » de misère, juste à quelques blocs d’un autre « condo », de luxe celui-là. Une résidence dont il était l‘homme à tout faire. Paul a toujours pris soin des autres, et du bâtiment, et de ses outils. Patrick Horton, le Hell’s Angel, est là parce qu’il a exécuté une balance. Paul n’a tué personne. Presque pas. Il a juste failli. Parce qu’il n’y avait plus d’issue. A force de tourner en rond dans un monde qui ne tourne plus rond. Il fallait que ça arrive. La révolte. L’église de son père, pasteur Danois, a été ensevelie sous le sable, et le cinéma de quartier de sa mère sous les rouleaux de la nouvelle vague, puis du X grand public. Paul s’est retrouvé à Montréal. Il a rencontré Winona, la pilote d’hydravion. Un amour qui arrive. Comme arrivent les choses dans la vie de Paul. Parce qu’elles sont là. Un jour Winona s’est installée avec lui. Elle a trouvé une chienne Nouk. Et ça a rempli la vie de Paul. Quitte à déborder un peu. Le sable des dunes mange les églises, les cinémas de quartier ferment après les révolutions de carton pâte « Godard le plus con des Suisses pro-Chinois », les avions tombent, les chiens meurent de désespoir. Le monde n’habite pas Paul aussi paisiblement que lui, l’habite. Il faudra une vie entière d’ajustements entre les deux pour qu’ils finissent par se fondre l’un dans l’autre. Faire un tout. Une vie entière et un roman au style fluide et généreux, qui sait regarder avec tendresse les gens simples, les humbles, les vaincus. Pour réaliser avec Paul Hansen que sa vie a aussi remplie celle des autres. A sa façon. Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon de Jean-Paul Dubois, Le livre de poche. Editions de l’Olivier. Prix Goncourt 2019.
Quel joli résumé donnant envie de découvrir ce livre qui pour le moment me tenait peu.
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